Entre la fin août et la fin octobre 2012, d'étranges animaux venus des mers du sud se sont échoués le long des côtes bretonnes et de Vendée. Un phénomène déjà connu par le passé mais surprenant par sa durée !
Les Physalia physalis, communément appelées physalies ou galères portugaises sont des animaux surprenants. Constituées d'un flotteur en forme de ballon de rugby aux couleurs chatoyantes, elles se laissent porter par les vents, traînant derrière elles leurs longs filaments tentaculaires comme autant de pièges mortels pour les animaux qui viennent s'y frotter. Ces proches parentes des méduses sont en fait des colonies réunissant plusieurs centaines d'individus. Comme les méduses, elles possèdent des cellules urticantes, les cnidocytes, qui dès qu'elles sont effleurées propulsent un petit harpon imbibé de venin qui paralyse leurs proies (petits poissons ou crustacés).
Elles doivent leur surnom de galères portugaises aux navires des 15 et 16èmes siècles
Elles doivent leur surnom de galères portugaises à leur forme bombée qui évoque celle des navires portugais des 15 et 16èmes siècles lorsque la flotte lusitanienne traversait l'Atlantique en direction des Antilles. Et c'est là , dans les eaux chaudes des tropiques depuis l'Atlantique jusqu'au Pacifique en passant par l'Océan indien que vivent ces colonies pélagiques. Elles errent par centaines voire milliers bien au large des côtes et ce n'est qu'à la faveur des vents et des courants qu'elles finissent par s'échouer sur les plages d'Hawaii, d'Australie ou de Floride...
Et parfois, soumises aux caprices du vent, elles rejoignent le grand courant de l'Atlantique nord bien connu sous le nom de Gulf Stream. Ce « fleuve » qui peut atteindre 150 km de large remonte depuis les Antilles jusqu'en Europe à la vitesse de 9 km/h, un véritable tapis roulant à l'échelle océanique ! Et c'est ainsi que l'on peut voir cette espèce tropicale « naviguer » au large de nos côtes jusqu'à se laisser déposer par la marée sur le sable de notre littoral.
Rien de surprenant alors à ce que les côtes bretonnes soient touchées. Cela n'arrive pas chaque année, mais, ce phénomène plus fréquent sur les côtes basques et aquitaines tend à s'intensifier. Ainsi, selon une enquête réalisée par les services de soins et de secours d'Aquitaine, le nombre de cas de piqûres dues à Physalia physalis a été multiplié par plus de 20 entre 2008 et 2011 !
La période la plus propice pour observer les arrivages de physalies se situe à la fin de l'été entre août et septembre, ce que confirment les signalements qui nous sont parvenus depuis 2010, date du début de notre programme de signalisation Opération Méduses.
Même échouée sur la plage, ne touchez pas une physalie
En 2012, après une première observation début août dans les landes, les témoignages se sont multipliés au cours de la dernière semaine d'août sur une zone comprise entre Pornichet en Loire-Atlantique et Kerlouan dans le Finistère nord. Ces signalements montrent une progression rapide vers le nord d'un nombre important de Physalia physalis, remontée corroborée par des signalements similaires sur les côtes sud de l'Irlande et de l'Angleterre (source : Marine Conservation Society). Des arrivages suffisamment importants pour que nous lancions auprès du public un appel à la vigilance car les piqûres infligées par ces animaux sont potentiellement dangereuses pour l'homme !
Des arrivages de physalies en partie expliqués par des vents venant du sud!
Ce qui est plus étonnant en cette année 2012, c'est que les signalements reprennent à partir de la fin septembre jusqu'après la mi-octobre sur une zone comprise entre l'île d'Oléron en Charentes-Maritimes et Crozon à la pointe Finistère. Les courants venus du sud combinés à des vents majoritairement sud-sud-ouest semblent expliquer les arrivages prolongés de cette espèce vivant généralement sous d'autres latitudes. Il est également possible que cette année 2012 soit particulièrement propice au développement de Physalia physalis, et qu'ainsi, elle ait proliférée dans la zone tropicale augmentant par la même le nombre d'individus susceptibles d'être poussés jusque dans nos eaux.
Anne Bay-Nouailhat